Photographie argentique
Photographie argentique
Chambre noir photo

Ma pratique de l’argentique

Ta nana te taxe souvent d’extra-terrestre. Ton fils de deux ans ne comprend pas pourquoi tu ne veux pas lui montrer la photo que tu viens de prendre avec ton appareil photo. Si tu n’es pas étranger à ce genre de constatations, alors il est possible que toi aussi tu ai préféré de t’affranchir des normes de la photographie actuelle.

La pré-histoire numérique

J’ai commencé la photo en 2008. Comme beaucoup de gens de mon âge, c’est en premier le numérique qui m’a fait venir à l’image. J’ai un job qui fait que suis toute la journée devant un ordinateur : difficile de continuer à utiliser photoshop ou lightroom en rentrant à la maison. J’ai vite ressenti le besoin de me tourner vers autre chose. Durant mon parcours professionnel, j’ai eu l’occasion de travailler auprès de divers acteurs de la photographie : photographes en activité pour certains, en reconversion pour d’autres, tireurs, retoucheurs … Tous sans se connaître m’ont parlé d’un âge d’or, au cours duquel tout le monde avait du travail et utilisait des boîtiers bien particuliers. On m’a raconté le Rolleiflex, le truc noble, celui qui te fait faire la révérence devant ton sujet. D’autres ont pesté devant tous ces « dingues » qui bradaient leur matériel, passant au numérique : « Il ne savent pas ce qu’ils jettent » me dit encore à l’oreille Éric, photographe rencontré au cours de ma formation de graphiste, courant 2003. Forcément ça intrigue et tout ça est resté dans un petit coin de ma tête. Jusqu’au jour où …

Chimic switch

Aux puces, courant 2009 si mes souvenirs sont bons, j’ai eu la surprise de tomber sur ce qu’on appelle un « lomo », un lubitel 2 plus exactement. Pas une réédition, un réel appareil d’époque – difficile à dater, je dirais courant 70. Je l’ai pris car il était quasiment donné et plutôt intriguant avec ses deux optiques et sa visée poitrine. Bref, ça a été mon premier boîtier reflex bi-objectif.

Acquisition faîte il fallait pouvoir en sortir des images : pas facile quand tu as l’habitude de ton APN et de son écran dorsal. Là, tu n’as qu’un dépoli sombre et poussiéreux, qui te permet de voir l’image AVANT de la prendre. La mise au point décalée de l’appareil, sa non-protection à la double pose, sa non-assistance à la sélection de vitesse et d’ouverture participent à en faire un objet « hostile ». Pas évident donc, de trouver ta motivation seul quand tu n’as jamais utilisé de pellicule et encore moins pris une mesure de lumière à la main.

Le premier film argentique

Bien décidé a faire sortir des images de mon appareil photo en bakélite soviétique, j’ai arpenté les rues de Valence, son port et la campagne avoisinante. J’ai photographié au hasard des rencontres. Il m’a ensuite fallu développer mon premier film : un ami m’avait parlé d’une connaissance à lui, un photographe Valentinois. Si mes souvenirs sont bons il s’appelait Emmanuel Georges. Ce dernier m’a orienté vers la MJC de Bourg-Lès-Valence où j’ai trouvé tout le matériel et les connaissances de base pour commencer à développer un négatif et faire mes premiers tirages.
J’ai bien été accompagné pour le premier développement – va commencer la photographie par la mise en spire d’une pellicule 120mm – et j’ai été heureux de voir que le film contenait bien quelques images :

Une double pose fortuite : le Lubitel ne possède pas de protection à ce niveau là.

Une double pose fortuite : le Lubitel ne possède pas de protection à ce niveau là.

C’est la patine de l’objectif légèrement faussé du Lubitel, conjugué à celle subtilement champignonnée du 75mm Soligor monté sur le Krokus m’aillant permis de faire mes premières armes qui ont provoqué mon premier étonnement. Je n’aurais jamais pensé qu’on pouvait obtenir des tonalités si « spéciales » – de quoi immédiatement être transporté dans un autre monde, dans lequel on ne décrit plus. Ici on invente, on expérimente, on redécouvre en permanence. Le second étonnement c’est bien entendu l’expérience que tout le monde décrit, celle un peu fantastique que tu fais dans le noir, où tu vois pour la première fois une image monter dans la cuvette de révélateur. On a tous une première fois !

Le toueur du Rhône que tous les photographes Valentinois connaissent.

Le toueur du Rhône que tous les photographes Valentinois connaissent. Fuite de lumière sur le négatif en sus.

Je suis resté un an dans ma MJC et en suis sorti avec des rudiments essentiels à la prise de vue et au tirage photographique.

Mon installation actuelle

Ce qui est chouette avec l’argentique, c’est que le marché de l’occasion recèle de pleins de choses qui sont à la portée de toutes les bourses (enfin, plus ou moins). J’ai donc installé dans feue ma cave, mon labo photo. C’est pas grand comme ça, il n’y a pas l’eau courante (les bidons de flotte à charrier à la main sont le seul sport que je pratique), mais j’y passe de très bons moments. Pour les amateurs de matos il y a un Durst M800 que j’ai eu la chance de trouver comme neuf à Marseille avec tous ses condenseurs et de très belles optiques de tirage : un rodagon 105 pour le moyen format, que je pratique le plus, et un Componon pour le 35mm. J’ai préféré opter pour cette formule « à domicile » car elle me laisse le loisir de pratiquer quand je veux, sans avoir à réellement partir de chez moi. Je peux aussi évoluer à mon rythme ce qui est moins évident en labo collectif.

Poses ton gun

Je dois bien reconnaître que j’ai un côté « collectionneur ». Ma nana s’en plaint souvent, elle en a marre de voir s’entasser des piles de matos dans l’appartement où nous vivons. J’ai beaucoup de guns boîtiers, certains même ne m’ont jamais servi (enfin, pas encore). Pour la jouer courte et ne pas être exhaustif, mes engins préférés sont :
• Un rolleiflex 2.8 E3 – 6X6 – format carré donc, qui est excellent : c’est sans doute mon meilleur outil, en tout cas celui qui s’adapte le mieux à mon mode de photographie ;
• Un Mamiya RZ67 : également un moyen format mais plus taillé pour le studio, en tout cas difficilement exploitable sans un pied. C’est lourd, c’est imposant, mais ça permet aussi de pratiquer une photo plus technique et contemplative. Ça donne aussi de bons résultats ;
• Un Leica M3 : l’appareil que tu charges et qui part avec toi partout. C’est rapide à utiliser. Le télémètre est aussi un très bon point pour une visée précise et efficace. Son seul désavantage c’est l’utilisation de film 35mm qui est quand même contraignant quand tu as goûté au moyen format.

Faut-il être réac’ pour photographier à l’argentique ?

Pour clore ces quelques lignes il faut bien justifier de l’utilisation d’appareils hors d’âge à l’heure d’instagram et de l’instantanéité. Comme dit plus haut, j’avais envie d’autre chose : je suis servi.
Effectivement, je ne pourrais jamais prendre 500 photos dans la même journée, voir dans la même année : ça tombe bien, je n’en ai pas envie. Je préfère prendre mon temps – c’est surement un luxe absolu à l’époque où nous vivons. Sans le savoir je dois être un adepte de ce mouvement qui monte bien en ce moment, la Slow Photography.

J’aime les vieux objets, pas nécessairement rustiques, mais pensés, dessinés et usinés comme dans les années 50 ou 60. Je suis bien plus heureux à utiliser mes Rolleiflex 2.8 ou Leica M3 que mon boîtier numérique. Ils donnent le sourire au gens, ce sont des objets qui ont un capital sympathie aux yeux des inconnus : c’est utile à la prise de vue. Accessoirement ils offrent la possibilité de faire des images différentes, structurées.
Comme dit plus haut, lightroom ou photoshop, c’est bien la semaine aux heures de bureau. Pour les soirs et week-end, avoir les doigts qui puent la chimie, c’est plutôt agréable. Voir l’image « monter » dans le révélateur, même si c’est moins « magique » que la première fois, procure toujours un réel plaisir – plus à mon sens que la lecture d’un histogramme. Trouver et utiliser le bon papier pour tel ou tel cliché, provenant d’un négatif qu’on a pris le soin de bien développer, avec toute la technicité qu’on a acquis par la pratique, c’est plutôt gratifiant. Les belles choses se méritent et ici on a rien sans un minimum d’effort !

Virage partiel en deux bains.

Virage partiel en deux bains.

Il y a aussi des pratiques alternatives au labo, comme les virages totaux ou partiels en un ou plusieurs bains, qu’on peux travailler à froid ou à chaud et qui font ressortir des tonalités et des détails dans l’image. Ou encore des techniques anciennes comme la gomme bichromatée, la cyanotypie, etc … qui apportent encore des rendus différents, anciens, chauds, froids ou graphiques. En tout cas tu es toujours servi avec l’argentique, si tu as un côté créatif.
Alors non je ne me sens pas réac’ ou encore nostalgique. Je veux juste pouvoir réfléchir par et pour moi même, m’affranchir d’un automatisme qui en soit est un filet de sécurité, mais aussi une contrainte à la créativité, à la réflexion, à la pensée … Même si ça ne marche pas à chaque fois et que je n’ai pas toujours les résultats attendus : après tout seule l’erreur est humaine !

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