Utiliser un filtre couleur en photo noir et blanc

Les filtres existent dans un grand nombre de couleurs, et se déclinent par nuances. Suivant l’émulsion que tu vas utiliser et le but que tu souhaites atteindre, ils te permettent de revoir les contrastes généraux d’une vue, ou même de créer des filets changeant la forme même de ta scène.

Tu as peut-être déjà remarqué si tu fais du numérique, il y a possibilité dans les réglages de choisir un type de « virage », si tu l’as paramétré pour faire du noir et blanc. Bon, je sais pas qui a traduit le menu des appareils chez canon mais concrètement le mec n’a rien compris. Si on transpose ça à l’argentique on ne parlerait plus de virage mais bien de filtre ou d’écran de contraste.
Il existe de nombreux fabriquants de filtres et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils ne se valent pas tous : le mieux reste de tester tes filtres, de les étalonner avec les films que tu utilise le plus fréquemment : ça te permettra de savoir quelle augmentation du temps de pose il te faut donner.
Je te fais un petit rappel ici, car je sais que tu connais déjà la loi de la réciprocité : avec un filtre coloré, préfère jouer sur le temps de pose (il doit s’allonger) plutôt que sur le diaphragme : ça te permettra de ne pas diminuer ta profondeur de champ et de ne pas nuire à la qualité de ta photo.
Je laisserais de côté tous les filtres réservés à la photographie couleur : ce ne sont pas les mêmes et je ne souhaites pas t’embrouiller : on continues encore et toujours à ne parler que de photographie argentique et de noir et blanc.

Les filtres jaunes

Vissés à l’avant ou l’arrière de ton optique ils laissent passer les rayons jaunes, et dans le même temps coupent les rayons bleus, qui est la couleur complémentaire du jaune (retiens le bien, ça va t’être utile et tu vas bientôt comprendre pourquoi).
Sur la photographie ça se traduit par de la verdure plus claire (elle contient du jaune), et par un ciel plus foncé, sur lesquels les nuages seront bien présents.
On trouvait souvent ce type de filtre autrefois – car avant il existait des émulsions orthochromatique, sensibles aux lumières bleues et vertes. Ça n’existe plus de nos jours, l’ensemble des films photographiques du marché étant panchromatiques – comprends qu’ils sont sensibles à bien plus des rayons visibles dans le spectre lumineux – tous ceux situés entre les ultraviolets et les infrarouges.

Les filtres jaune-vert

C’est bon aussi pour le paysage, ils ont la même utilité que les jaunes mais un effet un poil plus marqué : obscurcissement des bleus, éclaircissement un peu moins visible de la verdure. Comparativement au jaune là encore, ça donne des images douces et un peu moins contrastées.

Les filtres verts

C’est bien pour les pellicules rapides car ils demandent un bon accroissement du temps de pose. Ils t’apporteront des verts très clairs et donnent des images un peu moins contrastées encore que les deux filtres précédemment cités.

Les filtres orangés

Tu sais qu’ils font parties de mes filtres de contraste préférés ? J’aime beaucoup les rendus de ciel qu’ils offrent – avec un peu de pratique au labo tu es capable de les rendre très foncés, dégradés.
Surtout ne les ignores pas si tu aimes le paysage ou la photo d’archi : ils sauront t’offrir de belles images. Après c’est comme toujours : ne les utilises pas trop sinon tu finiras par t’en lasser.

Un exemple de ciel capturé avec un filtre orange. l’aspect charbonneux et le dégradé se travaillent sous l’agrandisseur.

Attention : gros temps de pose nécessaire (x5). Baisser le coefficient multiplicateur te permettra des effets de nuits et des contrastes assez spéciaux !
Ils fonctionnent comme tous les autres écrans, à savoir qu’ils laissent passer la lumière de la même couleur qu’eux (le orange) et stoppent la lumière de la couleur complémentaire (le bleu). Retiens bien cette notion, elle te permettra d’utiliser tes filtres à bon escient et d’imaginer le rendu que tu auras au final, sur le tirage papier de ta photo.

Les filtres rouges

Ceux-là sont vraiment spéciaux, ils forment sur la pellicule de grands contrastes. Ils sont parmi ceux qui demandent la plus grande prolongation du temps de pose (x8 à x10). Là tu touches aux effets spéciaux avec lui : effet d’orage, de ciel très ombre, de lointain brumeux.

À la broc photo de Vienne j’ai trouvé un vendeur qui ne savait pas trop ce qu’il possédait. J’ai eu un acheté un joli Chromoplan R3 rouge pour une bouchée de pain. C’est un filtre qui sert aussi parfois !

Tu as sûrement déjà vu de vieux films en noir et blanc, des scènes de nuit en extérieur … Et ben en fait non, c’est filmé le jour, mais avec un filtre rouge très foncé : en cinéma, cet effet s’appelle la nuit américaine.

Les gris neutres, ND4 à ND1000

Deux utilités à ces filtres qui s’ils sont de bonne qualité n’apportent pas de contraste. Ils servent juste à modifier la quantité de lumière entrant par l’objectif quand la fermeture du diaphragme ou la modification de la vitesse d’obturation ne sont plus des moyens suffisants. Il existe des ND4, ND8 ou encore ND1000 qui proposent une réduction type de l’ouverture du diaphragme. Pour une nomenclature complète je te conseille wikipédia.

Jouer au touriste oui, mais pas à n’importe quel prix. Le ND1000 apporte sa patine à cette image, qui présente quelques fantômes.

Si tu veux mon avis je te dirais que le ND1000 que je possède et qui s’adapte sur mon rolleiflex et sur le planar de mon M3, bien que je ne l’utilise pas tous les jours, est capable de me rendre de beaux services : virer les gens quand ils sont trop nombreux à passer sur une scène, créer des nuages filés, faire de l’eau un miroir, etc … C’est vraiment un chouette filtre à effet.

En résumé, quelle condition pour quel emploi ?

Couleur	Émulsion	Résultat	Sujet	Coefficient	Remarques
Jaune clair	Passes ton chemin, c’est pour les films orthochromatique que même ton grand-père n’a pas connu.	Favorise le jaune. Retiens le bleu.	Portrait en extérieur (surtout pour les cheveux blonds et les yeux bleues)	x 1.5	Inutile pour une émulsion moderne.
Jaune moyen	C’est pas l’idéal non plus, s’était plus prévu pour les films orthochromatiques : laisses les à la brocante.	Favorise le jaune. Retiens le bleu.	Pour les paysages où ciel et feuillages sont représentés. Toujours pour les portraits de blonde en extérieur. Bien aussi pour la photo de marine.	x 2
Jaune foncé	Là, tu commences à pouvoir dire que tu modifies les contrastes à la prise de vue.	Idem en plus accentué	Pour les mêmes sujets	x 4 à x 6, suivant les émulsions.	Voilà, là tu as du contraste. En revanche le coefficient de pose … Tu préfèrerais pas passer sur un filtre orange de suite ?
Jaune-vert	Papy n’aurait rien pu en faire sur ses films orthochromatiques : normal, c’est exclusivement réservé au panchro modernes.	Favorise les jaunes et verts. Empêche le passage des bleus. Bons rendus du ciel car favorise un peu le rouge et l’orange.	Vues de nature, avec du ciel. Marche bien aussi pour les briques et la tuile des toits.	x 2	Plus doux que le jaune dans les mêmes conditions. A tester pour bien le maîtriser car il y a autant de nuances jaune-vert que de filtres sur le marché.
Vert	Panchro et rien d’autre	Favorise le vert tout en coupant le bleu	Bien aussi pour le paysage. Rendre claires la végétation.	x 4	Quitte à l’adopter, autant le choisir très vert, genre émeraude.
Orange	Panchro et rien d’autre	Absorption du bleu, laisse passer les rouges, oranges et jaunes.	Paysages urbains avec des toits rouges, beaux effets de nuages, bien marqués. Ciel foncé.	x 4 à x 5	Un peu comme le filtre vert tout en éclaircissant plus les rouges. Le contraste est plus marqué.
Rouge	Panchro et rien d’autre	Stoppe les rayons bleus et verts, passoire à rayons rouges et oranges.	Si tu aimes la nuit même en plein jour.	x 8	Pour les effets de clair de lune : travailler en plein jour en sous-exposant.
Gris neutres				x 1 à x 10	Suivant le coefficient sélectionné, sert à couper plus ou moins la lumière entrant dans l’objectif.
Filtre « UV », à l’esculine		Stoppe une partie des rayons UV.	Utile pour les vues au dessus de 2000 mètres d’altitude, pas très intéressant sauf pour protéger l’objectif en dessous de là.	Pas de modification.	Les anciens étaient légèrement jaunes – on le remarque bien en les superposant à une feuille de papier blanc. Les modernes sont cristallins.

La morale de l’histoire

À mes débuts en argentique j’étais obnubilé par les filtres : j’ai eu un rolleicord, puis un rolleiflex. Tous deux disposent de la complète en terme de filtre tant et si bien que j’ai une véritable collection d’écrans correcteurs en R1 et R3. Je ne sais pas si j’ai pris le temps de faire des images avec chacun d’entre eux. Si je devais en garder deux, se serait un orange et un ND 1000 : se sont de bons sauve-bredouilles et de temps à autre ils permettent de faire de chouettes vues. Avec le temps j’ai appris qu’il ne fallait pas s’éparpiller à chercher les effets. Le plus important, c’est de faire des images.