Photographie argentique
Photographie argentique
Interview photographe

Quatre photographes, une interview

J’ai une chanson dans la tête, c’est « mon bistrot préféré » de Renaud. Bon, le mec a un peu vieilli et il faut avouer qu’il est plus aussi bon qu’avant mais peu importe. Moi aussi j’aimerais bien avoir un bistrot préféré et c’est sûr qu’il serait rempli de photographes. Aujourd’hui j’ai quatre compères qui passent prendre l’apéro et que j’aimerais bien te présenter. Allé, on sort quelques bières, c’est parti.

OK les mecs : on va la jouer un peu corporate mais je pense que c’est l’heure d’un tour de table. Si je vous demandais à tous de vous présenter rapidement ?
Fred : Alors voilà, je m’appelle Frédéric Hérion. Je suis né en 1964 et j’habite dans l’est de la Belgique. Un endroit où il y a beaucoup de nature et où il fait froid l’hiver.
Vers l’âge de 10 ans j’ai découvert chez mes parents une commode remplie de dizaines de vieux appareils photos datés entre 1940 et 1960. je pense que c’est là que tout a démarré. Je n’ai depuis plus cessé de faire de la photographie. Avec mon premier job de vacances j’ai pu acheter un Canon AE-1, au collège j’ai eu la chance de pouvoir participer aux ateliers photo de mercredi après-midi et c’est tout naturellement que j’ai choisi la filière photo après le BAC. Malheureusement je n’ai jamais trouvé d’emploi dans le domaine… Je travaille dans la pub depuis 1990.
Alexis : J’ai quitté le monde corpo il y a un moment alors pour une réponse dans les clous c’est trop tard. Mon intérêt pour la photo argentique se résume uniquement à tout ce qui la caractérise, l’esprit de la prise de vue, la tonalité, le grain, les différentes techniques de tirage, l’archivage etc… bref tous les aspects de ce medium avec lequel on peut partir dans des directions aussi opposées que la recherche technique ou la spontanéité désinhibée.
Yael : Je suis né en 1975 dans le Nord de la France , je vis à Nancy depuis 18 ans. Mon amour de la musique m’a amené à faire des photos de concerts et festivals. En prenant de l’assurance et en vainquant ma timidité naturelle, je me suis mis au portrait.
Paul : Je suis photographe de profession. J’ai été formé à la photographie à l’époque où l’argentique était la norme, la photographie numérique étant considérée comme alternative. Je parle beaucoup de photographie car cette discipline occupe le plus clair de ma vie, j’aime en faire le tour. Aller à l’école a été pour moi l’opportunité d’apprendre à comprendre les problématiques de la discipline, d’acquérir le langage et les capacités à utiliser le matériel spécifique.

Aujourd’hui je suis photographe (reportages, architecture, grands évènements) je travaille en numérique mais je réserve toujours à l’argentique une part importante de mon activité.
J’ai avec la photo une approche de tireur de part ma formation. J’ai une approche assez pratique assez tournée vers la photo en tant qu’objet.

Yael PARIS

Yael PARIS

Première vraie question : la photographie c’est bien, mais c’est pas toute votre vie non plus. C’est quoi, vos états d’esprit en ce moment ?
Fred : En fait si ! Je l’avais un peu oublié à l’heure du numérique mais la photo c’est bien toute ma vie. C’est un truc qui est là en moi et qui me tiens. Si je ne shoote pas pendant quelques jours il y a un genre de manque qui s’installe. Je perd mon équilibre. Mon état d’esprit en ce moment c’est que je me sens prisonnier de mon boulot et que je rêverai de courir le monde boîtier (argentique) en main, l’oeil rivé au viseur, être témoin de mon époque. Et ça c’est quelque chose qui m’est venu (ou revenu) il y a trois ans lorsque j’ai racheté un appareil argentique, j’ai retrouvé toutes mes sensations, comme un retour au sources, comme une évidence. Puis il y a eu un déclic l’année passée lors des événements avec la Grèce. Il y a eu plein d’initiatives citoyennes et je suis parti couvrir ces événements en photos.
Ça a donné une nouvelle dimensions à mon travail, une dimension utile, nécessaire même. Depuis l’automne 2015 j’ai d’ailleurs rejoint un collectif de photographe (NDLR : krasnyi collective) basé en Belgique, France et Espagne qui couvre les mouvements sociaux avec un regard engagé.
Alexis : Ben c’est une très grosse partie! L’état d’esprit nombriliste peut se résumer à « Scron-ju-ju ! j’ai pas encore eu le temps d’organiser cette prise de vue, de faire ce tirage, ce dev, ce scan, ce livret et puis le blog post etc.. » je ne vois pas bien plus loin que la potence de mon guidon en ce moment.
Avec la pelloche on fait déjà un signe du doigt aux pixels façon « sergent majeur ».Alexis ALKA
En sortant la tête de mon central « moi-je-même » plusieurs choses me touchent bien entendu, les gens qui meurent la bouche ouverte sous une vague avec leurs enfants dans les bras… faudrait être ignoble pour ne pas s’émouvoir de ça. Et puis il y a le Caravage, Michel-Ange, la Poésie française, Mozart et le pinard ! et ça c’est bon pour le collodion, le retour aux sources de la photo argentique, je m’y intéresse depuis quelques temps et de plus en plus. Avec la pelloche on fait déjà un signe du doigt aux pixels façon « sergent majeur », mais avec la technique du collodion humide le rapport au medium prend une dimension encore plus philosophique.
Yael : La photographie est un moyen d’expression mais ça reste un hobby. Comme beaucoup de gens je pense, mes conditions de travail se sont détériorées et mon poste a été vidé d’une bonne partie de sa substance. J’en suis à me sentir plus « utile » en produisant des images – ce que je fais purement égoïstement – qu’en accomplissant mon activité salariée. La marchandisation de tout est en passe de détruire les liens sociaux. Récemment, le mouvement Nuit Debout même s’il est balbutiant me donne l’espoir que les plus jeunes sauront transformer le futur ou tout du moins laisser une place à l’humain.
Alexis ALKA (tirage au collodion)

Alexis ALKA (tirage au collodion)

Paul : Je suis bien embêté avec cette question la photographie c’est un peu toute ma vie.
Mon état d’esprit est que nous vivons une époque formidable (en photographie) que les outils n’ont jamais été aussi perfectionnés que nous avons beaucoup d’outils portée de main.
J’aime bien croire que la photographie est un moyen de conserver le souvenir. Et je m’applique a conserver ce souvenir avec la même précision pour mes clients que pour moi.
Et qu’il est important de les conserver, entretenir, perfectionner, toutes les techniques photo des ancestrale aux plus contemporaines.
À mon sens la démarche photographique est une vision, un moyen d’expression qu’on décide de développer. À l’heure d’instagram et de l’instantanéité, il paraît antagoniste de continuer à pratiquer cette démarche par le biais de l’argentique. Pourquoi faire le choix du film ?
Fred : Je vais être honnête: la raison de départ est strictement financière. Entre un réflex numérique à 3000 euros et un réflex argentique haut de gamme à 300 euros, je n’ai pas eu à réfléchir longtemps. Après c’est assez difficile à expliquer ce choix. c’est vraiment une question de sensation, d’émotion même. Avec le numérique je n’y arrive tout simplement pas, ça va trop vite, c’est froid, je ne réfléchis pas à ce que je fais. Mais ça se sont des tentatives compliquée d’explication de quelque chose de tout simple: j’ai baigné dans la photo argentique depuis mon enfance et mon esprit comme mon corps se sont façonnés par rapport à ça. Ca fait partie de moi. Je développe mes films moi-même et rien ne remplace à mes yeux le travail de labo; soigner les dilutions, contrôler les températures, ménager les agitations, puis ce moment où on ouvre la cuve pour découvrir son négatif… c’est magique !
Je sais que beaucoup prédisent la fin de l’argentique mais Ilford ne semble pas vouloir arrêter sa production et il y a plein de petits producteurs qui continuent à produire du film (Bergger, Kentmere, Fomapan, Rollei, sans parler de Ferrania qui est occupé à remonter une usine en Italie)… Aujourd’hui j’ai presque l’impression d’avoir plus de choix que dans les années 80 !
Fred HÉRION

Fred HÉRION

Alexis : C’est très simple: pour l’authenticité de la démarche photographique, on part d’un support physique dès la capture, ce point est primordial à mon sens et donne tout son sens au terme « photo-graphie » la lumière dessine ou interagit avec un support tactile.
Pour aller plus loin, à mon avis la photographie numérique n’existe pas car son nom véritable est la « photronique » où la lumière interagit avec l’électronique. Et l’électronique n’est pas un support en soi au sens humainement tactile du terme, l’image n’y est jamais définitive, elle reconstruite à chaque affichage.
Le négatif (ou le positif dans le cas d’une photo instantanée) lui est définitif, il a vu la lumière qui a touché le sujet et a préservé son artefact sous forme d’argent métallique. Cet argent métallique a vu et touché la lumière qui a interagi avec le sujet (en se réfléchissant dessus). Donc en touchant le négatif, ou le positif instantané, on touche ce qui a touché le sujet. La même expérience holistique est impossible avec la photronique …
En résumé, pour moi, fondamentalement, ça n’a rien avoir avec la difficulté de la retouche, la limite à 36 clichés, le ralentissement etc…
Yael : Tout d’abord ce choix n’est pas exclusif, ce n’est pas film contre numérique mais en plus.
Je suis revenu à l’argentique en premier lieu car j’en avais assez des images lisses et aseptisées qui nous entourent. L’omniprésence des images publicitaires a modifié le regard des gens envers les images et d’une certaine façon aussi envers les vraies personnes.
J’étais à la recherche d’une pratique de la photographie plus ‘naturelle’. Une image fixée sur un support tangible de façon organique et imparfaite me conviens parfaitement pour photographier des êtres tangibles, organiques et imparfaits.
Yael PARIS

Yael PARIS

Paul : Je n’utilise la pellicule ni pour son rendu ni par nostalgie. Mais plus pour ses contraintes et les avantages de sa tangibilité.
Je peux choisir d’utiliser un appareil argentique pour doubler mon appareil numérique comme j’ai pu le faire pour quelques reportages importants, dont je veux garder une trace physique.
Et surtout pour toutes sortes d’expérimentations : ses contraintes permettent une créativité différente, comme l’impossibité de changer les iso en cours de reportage par exemple.
Mais je l’utilise aussi pour le labo, à ce moment là j’utiliserai des chambres avec de grandes taille de négatifs.
Et J’aime aussi la simplicité de l’utilisation. J’ai toujours un appareil chargé à la maison que je sort balader de temps en temps. Pas besoin de vérifier la batterie ni de vider la carte, il est là, à porté de main.
Il y du rapport à l’objet quand on pratique la photographie au sels d’argent : on passe souvent pour des extra-terrestres avec nos boîtiers qui ne connaissent pas la carte-mémoire. Vous affectionnez surement quelques appareils vous aussi. Lesquels et pourquoi ? Qu’apportent-ils à votre pratique de la photographie ?
Fred : J’ai toujours été très attaché à Canon, j’ai fait toute mes études avec un Canon AE-1. Il y a 3 ans c’est d’ailleurs le premier argentique que j’ai racheté… pour 37 euros objectif compris ! Plus de 30 ans après avoir été construit cet appareil fonctionnait encore parfaitement. On trouve d’ailleurs plein d’appareils de cette époque pour une bouchée de pain, sans parler des objectifs. J’en ai acheté quelques-uns, mes préférés, ceux avec lesquels je travaille le plus sont le Canon A1 et le Canon T90… Ces appareils sont parfait pour le reportage photo, solides, fiables, je les emmène partout ! J’ai aussi une tendresse particulière pour le Canon P, c’est un télémétrique des années 60 entièrement mécanique sur lequel j’ai monté des optiques russes des années 50, un Jupiter 8 de 50mm f/2 et un Jupiter 12 de 35mm f/2.8. Avec lui on est dans un autre monde, il faut mesurer la lumière, régler la vitesse, le diaphragme, la mise au point, c’est vraiment une démarche particulière. Mais qui peut aussi s’avérer redoutablement simple si on travaille en hyperfocale avec un film assez sensible.
Je fais un parallèle entre ma prise de vue et la cérémonie du thé.Yael PARIS
Alexis : A force de pratique avec divers appareils, qui est un des avantages majeurs de ce médium, j’arrive à la conclusion suivante: j’affectionne plus la fonction que la forme. Les boitiers Hasselblad sont très beaux, mais leur prise en main ne me convient pas vraiment, un sacrilège alors qu’une majorité adore ces appareils. Leurs optiques sont indéniablement superbes.
C’est juste une question d’ergonomie, et ça dépend de chacun. On est tous différents, la taille des mains, des jambes, qu’on soit gros, grand, petit, myope ou non, on a nécessairement des préférences liées à notre morphologie et notre façon de bouger.

J’affectionne donc certains appareils pour leur efficacité dans leur fonction, à cause de la façon dont je peux les manipuler. En moyen format la philosophie Mamiya qui consiste à placer la molette de mise au point sur le châssis me convient parfaitement, donc le Mamiya RZ67 est parfait pour moi en travail de portrait. De plus il est très, très polyvalent. Pour un travail plus spontané et rapide toujours en portrait le Contax 645 est un super allié. Il est léger et ses optiques Zeiss ont un rendu magnifique, mais le retard de déclenchement quand la pile fatigue est vraiment casse-pieds.
En format 135 je privilégie la portabilité donc les télémétriques me conviennent très bien. J’ai toujours ou presque avec moi un Zeiss ZM avec une optique du même fabriquant.

Yael : J’ai beaucoup trop d’appareils, je leur trouve à chacun un charme unique 🙂
Toutefois, ils ont tous un point commun, l’absence d’automatisme. Je fais un parallèle entre ma prise de vue et la cérémonie du thé. Je souhaite que chaque action soit faite en pleine conscience et selon un rituel bien précis. Le protocole me permet à la fois de me détendre et d’inclure la personne photographiée dans le processus en lui expliquant chaque étape.

Yael PARIS

Yael PARIS

J’utilise principalement des appareils moyen formats 6×6 à visée poitrine. Pour le portrait, je trouve que la position que prend le photographe lors de la visée, donc tête penchée, change le rapport avec le sujet. Plutôt que caché derrière un appareil et en position frontale, le photographe est en position d’humilité. Le format carré est très intéressant en terme de composition.
Pour le studio ou le portrait posé, j’affectionne le Hasselblad serie V (501CM pour être précis). Pour des images plus douces et intimiste, j’ai un Mamiya C220 dont j’aime la discrétion de l’obturateur qui aide à faire oublier sa présence.

Paul : J’aime bien toutes les machines qui font des photos. J’ai beaucoup utilisé des reflex des années 1970 (Minolta SRT, Nikon FE) mais aussi un petit Rollei 35.
Actuellement j’utilise de très grands formats de type 4X5 ou 13X18 cela correspond bien au genre de photo que fais en ce moment.
Paul ALLAIN, série "Pavoison"

Paul ALLAIN, série « Pavoison »

S’investir dans la photographie c’est aussi être influencé par ce qui nous a devancé. Il y a bien quelques photographes qui vous ont aidé à forger vos regards. Et si vous me disiez lesquels ?
Fred : Je suis très admiratif et très nostalgique des Cartier-Bresson, Doisneau,Willy Ronis, Edouard Boubat… Mais s’il n’en fallait citer qu’un ça serait sans aucun doute W. Eugene Smith. Pour moi il est le symbole même du photojournaliste humaniste et engagé.
Alexis : Irving Penn, Eugene Smith pour n’en citer que deux parmi les grands mais aussi des contemporains comme Poalo Roversi
Yael : C’est assez étrange mais les noms qui me viennent en tête sont des photographes qui ne font pas de portraits mais font plutôt dans la démesure. Je ne sais pas à quel degré cela peut m’influencer mais je crois que je préfère la réflexion de l’image en amont au célèbre ‘instant décisif’ de Cartier-Bresson.
Je suis fasciné et subjugué par les images de Gregory Crewdson. Il nous emmène dans un monde étrange au cœur de la psyché humaine.
Andreas Gursky et ses images presque abstraites où l’homme n’est qu’insecte, écrasé par des mégastructures ou grouillant en masse.
Paul ALLAIN, Reportage Rwandais doublé en argentique.

Paul ALLAIN, Reportage Rwandais doublé en argentique.

Paul : Mon père possède une grande bibliothèque de photographie, avec pas mal de très grands photographes américains (Irving Penn, Richard Avedon, Walker Evans, Diane Arbus, Eliott Erwitt, Edward S. Curtis, André Kertész… ).
Parmis les expositions de photos qui m’ont marquées dans ma jeunesse, il y Edward S. Curtis en 1990, Sebastiao Salgado en 1993, Jan Saudek en 1991 et Joël peter Witckin en 2000.
Je ne sais pas si il m’ont influencé mais c’est tout le mal que je leur souhaite.
Les dernières questions étaient un peu passéistes. Et si on regardait devant maintenant : vous avez des projets à venir ?
Fred : Continuer avec le Collectif Krasnyi, le plus possible; rationnaliser mes processus de travail,je suis toujours un peu à la recherche du couple (ou des couples idéaux) films/révélateur; actuellement je teste l’Agfa APX100 avec l’Ilfotec DD-X d’Ilford et j’en suis jusqu’à présent ravi. Et quand j’aurai un peu de temps remonter mon labo, dépoussiérer mon Durst, trouver quelques boîtes de papier baryté et refaire du tirage.
Alexis : Bien sûr, mais comme pour tout le monde le temps à y consacrer est mon gros problème. Je préfère ne pas trop évoquer les projets photographiques qui n’ont pas encore suffisamment de matière pour établir une direction claire ou entamer une discussion. Mais cela va peut-être changer avec la reprise plus régulière de publication d’articles sur le blog La Photo Argentique d’ici un mois.
Quelques évolutions sont à l’étude pour rendre ce blog plus vivant. Je garderai une base de didactique technique car je pense que ça reste un bon moyen d’amener de toutes nouvelles personnes à engager un rapport avec ce médium que ce soit dans un objectif ludique ou plus abouti (bravo pour ton très bon article sur la repique à ce propos ! un sujet dont on parle rarement). Mais il y aura également un autre angle de partage axé sur un rapport plus humain au médium en quelques sorte.
Fred HÉRION, composition graphique.

Fred HÉRION, composition graphique.

Yael : J’ai deux séries en cours : une série de portraits de tatoué(e)s en trichromie et une de nus en pose longue. J’avais abordé une série plus graphique sur les corps mais j’ai énormément de mal à trouver des modèles car j’essaie de sortir de canons ordinaires.
Paul : Je crée actuellement un laboratoire qui fait des tirages anciens à partir de fichiers numériques. Je pense qu’il est important que le laboratoire photographique survive à la fin annoncée de l’argentique, pour cela je convoque les techniques anciennes (gomme bichromatée, cyanotype, papier salé, palladium etc) que j’utilise adaptées au numérique.
Il est important pour moi que se rencontrent toutes les techniques photographiques de toutes les époques.
J’accueille aussi bien les photographes et artistes pour tirer et traiter leurs images que des rencontres d’amateur curieux de pratiquer et découvrir une nouvelle forme de laboratoire sans agrandisseur.
Picasso marchait par « périodes ». Warhol résonnait par « séries« . Et vous, vous tournez à quoi ? quel(s) est(sont) le(s) thème(s) photo qui résonne(nt) chez vous et pourquoi ?
Fred J’ai bien quelques idées de séries ou de thème mais jamais assez de temps pour m’y atteler. A bien y regarder je trouve beaucoup de géométrie dans mes photos et peu de gens. Sur mon site personnel j’ai essayé de les classer par thèmes ou série mais c’est un classement qui se fait à postériori, ce n’est pas vraiment une démarche pensée à l’avance. Je n’aime rien plus que déambuler dans les rues d’une ville appareil en main, à la recherche d’un cadrage, d’une lumière intéressante.
Alexis : Je ne suis ni l’un ni l’autre, et n’oserais me comparer à ces deux cultes. Il semble que je fonctionne « en séries par périodes » si ça peut vouloir dire quelque chose …
Autant je considère Picasso comme artiste accompli (il peignait quand même du Velasquez à l’âge ou beaucoup d’entre nous jouent encore aux petites voitures), autant Warhol n’est pas dans mes petits papiers et pour enfoncer le clou : son avatar moderne Damien Hirst (Damien, please meditate the following : being a successful Dadaïsm Merchant does not an artist make…) fait parti de ceux qui partent à la poubelle avec les pubs de boites aux lettres…
On a des opinions ou on en a pas… moi j’en ai.
Les thèmes qui m’attirent un peu plus régulièrement sont plus de l’ordre de l’esthétique. Ceux qui m’attirent un peu moins régulièrement sont de l’ordre de la didactique (qui est au centre du photo-journalisme par exemple). Ce qui ne veut pas dire que le photo-journalisme n’est pas capable d’œuvres majeures dans le registre de l’esthétique bien entendu, j’exprime juste une inclinaison personnelle.
Alexis ALKA

Alexis ALKA

Yael : je marche par série. Ma pratique de la photo étant éclatée, trouver un fil conducteur m’aide à produire sur le long terme en gardant une certaine cohérence.
Au niveau des thèmes, j’aime la diversité des corps et la texture et les stigmates que porte la peau. Je considère que c’est un peu comme la carte du vécu des personnes. Par ailleurs, j’investigue le rapport des gens à leur image en les prenant en photos avec du papier direct positif – ou autres procédés proche de l’instantané – et en les faisant assister au développement de leur portrait.
Paul J’aime bien l’idée de série, il est rare que fasse une photo sortie d’un contexte, bien qu’il y en ait sûrement. Quand je fais des photo la plupart du temps ce sont pour des commandes. La photo remplit un cahier des charges du client qui me dit ce qu’il aimerait voir et je compose dans cette idée.
C’est une partie du métier qui me plaît particulièrement. Mais c’est plus de la réalisation que de la création. Il est indispensable pour moi de conserver du temps pour d’autres pratiques de la photo.
Il m’arrive de me lancer dans une série. A ce moment je choisit le matériel sur lequel je vais travailler, le type d’éclairage, ce que j’aimerais raconter dans ces photos, le budget. C’est en général un processus assez long.
Ce travail est indispensable pour pouvoir garder le sentiment de création en ayant toujours des idées à proposer.
Parfois une série peut être simplement dédiée à une technique de tirage ou de prise de vue.
Je sais que ça ne se fait pas d’amalgamer, de raccourcir à l’extrême mais … Si vous deviez garder une seule image de vous ? Laquelle serais-ce et pourquoi ?
Fred : Ca c’est une colle ! J’ai beaucoup de mal avec les sélections. C’est pourtant essentiel pour un photographe de savoir trier, séparer le bon du moins bon, trouver LA bonne image qui résume l’ensemble. Je choisi une de mes dernières photos. Je ne sais pas si elle est représentative de mon travail en général mais elle représente bien mon état d’esprit actuel. C’est une image prise lors d’une manifestation à Liège contre un centre fermé (prison pour personnes en situation irrégulière en Belgique) pour le collectif Krasnyi. C’est un travail qui m’a beaucoup marqué émotionnellement et c’est ce vers quoi je voudrai continuer.

La photo à garder selon le photographe engagé Fred HÉRION. Manifestation à Liège

La photo à garder selon le photographe engagé Fred HÉRION. Manifestation à Liège

Alexis : D’abord j’espère ne pas l’avoir déjà faite, car ce serait déprimant. J’imagine que tu ne parles pas d’une image de moi mais d’une photo dont je suis l’auteur, je ré-interprète donc tes mots et choisis la photo que je garderais, cette semaine, ce serait celle-ci :

La photo à garder selon Alexis ALKA.

La photo à garder selon Alexis ALKA. Graphique, rythmée et en mouvement.

Parce qu’elle résume bien entre autre l’intersection entre mouvement et graphisme du lieu, qui est un des aspects d’une série qu’il faut que je finalise.

Yael : Une de mes première photo à la chambre. Elle rassemble un peu tout ce que j’apprécie, la composition et l’environnement font penser à l’esthétique de la peinture, la technique est utilisée pour emmener le spectateur dans un univers onirique et pourtant tout est réel.

La photo à garder selon Yael PARIS, soliste classique à la Graflex.

La photo à garder selon Yael PARIS, le classicisme à la Graflex.

Paul : Je ne pense pas que j’aimerais garder une photo plus qu’une autre, en général se sont des séries. Je ne sais pas s’il y aurait non plus une série que j’aimerais mettre en avant, c’est pour moi un travail en cours. Il n’y a pas vraiment une photo qui contiendrait tout ce que j’ai pu voir ou vouloir dire. Je n’ai pas une image qui me vient comme ça.

Qui sont ces photographes ?

Quelques jolies découvertes faîtes sur Twitter notamment. Je vous invite à découvrir encore plus leurs univers ci-dessous.

Fred HÉRIONAlexis ALKAYael PARISPaul ALLAIN
Fred HERION
Né en 64. A tourné très tôt près des appareils à papa. Humaniste travaillant dans la publicité.
http://www.fredherion.be/
www.krasnyicollective.com
@fredherion
Alexis ALKA
Psychopathe du collodion. Âge et lieu de naissance inconnus. Ingénieur reconverti en photographe indé.
http://www.la-photo-argentique.com/
@Alkalexis
Self portrait
Portraitiste, concertiste, mais toujours virtuose. Né en 1975. Apprécie la musique et les visages atypiques.
http://yael-paris.fr/
@Yael_P
Capture0001
Photographe pro travaillant essentiellement en numérique, mais gardant un faible pour le film.
http://www.paulallain.com/
@Polekso

Quelques photos

Yael PARIS

Yael PARIS

Yael PARIS

Yael PARIS

Alexis ALKA

Alexis ALKA

Alexis ALKA

Alexis ALKA

Alexis ALKA

Alexis ALKA

Fred HÉRION

Fred HÉRION

Fred HÉRION

Fred HÉRION

Paul ALLAIN

Paul ALLAIN

Paul ALLAIN

Paul ALLAIN

Paul ALLAIN

Paul ALLAIN

Fred HERION

Fred HERION

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